À Angers (Maine-et-Loire), amis, enseignants, parents d’élèves et éducateurs n’en reviennent toujours pas. Aboubakar Coulibaly, 34 ans, d’origine ivoirienne, a été renvoyé le 21 juin vers la Côte d’Ivoire, abandonnant forcé et contraint Joris, son fils de 11 ans, dont il avait seul la charge depuis le suicide en novembre 2005 de sa mère.
Deux jours plus tard, sentant un vent d’indignation souffler sur ses grilles, la préfecture de Maine-et-Loire expliquait dans un communiqué l’avoir reconduit « en exécution d’une décision de justice », « dans un souci de protection de Joris », précisant que sa paternité avait été contestée par la mère de l’enfant et concluant, rassurante, que : « Joris est parfaitement pris en charge par un centre d’accueil spécialisé départemental ». Six lignes, une vérité et trois contre-vérités pour tenter d’éteindre le feu.
Condamné à six reprises depuis son arrivée en France pour usurpation d’identité, vol avec effraction ou encore violence avec arme, Aboubakar Coulibaly n’était pas un ange. Il était bien sous le coup d’une interdiction du territoire français de 3 ans décidée en octobre 2005 à Créteil (Val-de-Marne). Une décision qui avait été finalement ajournée au mois d’avril suivant, rapporte une source judiciaire. Mais tous les témoignages concordent : depuis qu’il s’occupait de son fils, l’homme avait changé. L’expulser pour protéger Joris ? « Au mieux, c’est une bêtise. Au pire, c’est un mensonge. Malgré ses difficultés, il était réceptif aux remarques et savait se remettre en cause. A aucun moment la question de son éloignement ne s’est posée du point de vue de la protection de l’enfant », assure un responsable du service d’aide éducatif qui accompagnait le père.
Cette aide, Aboubakar Coulibaly l’avait lui-même sollicitée après s’être vu confié la garde de Joris par un juge des enfants, suite au décès de son ex-compagne. De retour à Angers, il était reparti à zéro pour assumer sa responsabilité parentale. Il avait trouvé un logement provisoire, du travail, puis déménagé pour se rapprocher de l’école de son fils. « Il nous apportait entièrement satisfaction », confirme le patron de l’imprimerie où il était employé depuis février 2007.
Le préfet avait été convoqué par Hortefeux
Annick Bordereau est sans doute la personne la mieux placée pour témoigner. Retraitée et bénévole de l’association St-Vincent-de-Paul, vers laquelle Aboubakar s’était tourné à son arrivée à Angers, elle s’était prise d’affection pour lui et son fils. « La remise en cause de sa paternité est consternante. Nous avons des lettres qui montrent les liens forts qu’entretenaient même après leur séparation, le papa et la maman de Joris. Il a toujours gardé le contact avec son fils ». Après son arrestation, c’est elle qui a pris en charge Joris. Et « l’accueil en maison spécialisée » ? Une erreur de communication, s’est excusée après coup la préfecture. Un signe surtout de l’absence totale de coordination avec les services sociaux-judiciaires. Comme un désaveu, le juge des enfants vient d’ailleurs de choisir de confier l’enfant pendant un an, à Madame Bordereau. « C’est très, très dur pour lui. Il rêve en ce moment que son père revient et sort les albums photos. Son papa, c’était tout. Je suis révoltée car il y avait forcément d’autres solutions qu’une expulsion ».
Hasard ou pas, en septembre dernier, parmi la douzaine de préfets que Brice Hortefeux avait convoqués à Paris pour leur reprocher leur manque d’efficacité en matière de lutte contre l’immigration, figurait celui de Maine-et-Loire.
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